Une amie a suivi une formation d’hypnose, formation qui soulignait l’importance du « lieu sûr », un lieu réel ou fictif, où l’on se sent bien, où l’on peut s’imaginer facilement, un lieu vers lequel s’évader un instant. Les jardins de l’Est parisien me présentent leurs candidatures.
Je passe un moment dans les deux jardins voisins de mon appartement, celui que j’ai découvert récemment et qui abrite le 7ème plus grand cadran solaire d’Europe, celui que je connaissais déjà et où une montgolfière s’est envolée il y a bien longtemps. Je m’assois sur un banc ou sur la pelouse, observe les arbres et les arbustes, les parterres de fleurs, l’aire de jeux pour les enfants. Je reviendrai à l’occasion d’un pique-nique, comme tant d’autres.
J’explore tous les jardins publics que je croise, même minuscules. Je découvre un jardin secret derrière une barre d’immeubles rue de Charonne. Je grimpe le long des allées qui plongent des murs du cimetière du Père-Lachaise. Les premières fleurs délicates du printemps éclosent au soleil.
Depuis les hauteurs du parc de Belleville, je contemple Paris à mes pieds et tutoie la Tour Eiffel à l’horizon. Je redescends de la butte le long des massifs de tulipes en suivant les fontaines. Si mes pas m’amènent encore plus au nord, je déambule dans les allées du parc des Buttes-Chaumont, spectaculaire jardin de style anglais construit sur une ancienne carrière de gypse. Je traverse par le pont sur l’île du Belvédère et admire le Sacré Cœur depuis le temple de Sybille. La passerelle suivante me donne le vertige mais me conduit vers le reste de ma balade.
La promenade plantée file, viaduc puis canyon, de la place de la Bastille jusqu’à la lisière du périphérique en évitant presque toutes les rues. Les lavandes et les iris et les rosiers grimpants ont remplacé les rails de l’ancienne ligne de train.
Le lac de Saint-Mandé m’attend de l’autre côté du périphérique et si je marche un peu plus à travers le bois de Vincennes, mes sens se régaleront au parc floral avec ses azalées et ses bruyères en fleurs et ses tulipes en dégradés de jaune et de mauve. Je me reposerai un instant sous les pins avant de repartir.
Je traverse la Seine pour aller au jardin des plantes, je m’arrête dans l’allée bordant le zoo pour observer les pandas roux derrière leurs bambous. Un peu plus loin les wallabies rebondissent sur l’herbe rase à vingt quatre heures d’avion de Sydney.
Les week-ends me trouvent toujours à l’Est, au bois de Vincennes. Je commande une boisson chaude et une viennoiserie dans l’une des boulangeries situées Porte Dorée et je marche vers le lac Daumesnil. Je m’installe sur un des bancs vert bouteille installés face au plan d’eau. Ce n’est pas la mer mais c’est déjà ça. Je prends mon petit-déjeuner en observant les cygnes et les canards, les sportifs et les promeneurs. Je trace un huit sur les îles artificielles de Reuilly et de Bercy, mes îles parisiennes préférées avec l’île de la Cité et l’île Saint-Louis. Les paons paradent devant les massifs de fleurs. Ils ne doutent jamais de leur beauté sage.
Ces jardins sont des fragments de paradis : le printemps est mon lieu sûr.