Dans Le jour d’après, un film catastrophe américain à gros budget sorti en 2004, le monde est transformé par le changement climatique qui provoque l’arrêt du Gulf Stream et un âge glaciaire immédiat en Amérique du Nord et en Europe. À quoi ressemblera le jour d’après ?
Depuis presque deux mois, j’écoute trois musiciens et colocataires barcelonais, Rai, Klaus et Guillem. Ils faisaient partie de la scène locale, dans deux groupes différents. Ils racontent qu’ils répondaient « peut-être en 2023 » quand leurs amis leur suggéraient de faire quelque chose ensemble. Le confinement en a décidé autrement.
Installés sur la terrasse de leur appartement de l’Eixample, ils ont enregistré une vingtaine de chansons, avec leur seau en plastique bleu devenu batterie improvisée, une guitare et deux ou trois instruments bricolés. Mélangeant espagnol, catalan et anglais, et dans des styles très variés, toutes leurs chansons parlent de ce printemps 2020. Rester à la maison pour protéger nos grands-mères. Réaliser que le mot corona n’est plus synonyme d’une bière mexicaine ou de la couronne d’une princesse.
Le succès a été immédiat. Leur nouveau groupe, Stay Homas, est suivi par 360 000 abonnés sur Instagram. Les médias locaux et nationaux se sont intéressés à eux. La radio américaine NPR, aussi. Michael Bublé a repris une de leurs chansons, Gotta be patient, à la télévision canadienne. Les places pour un concert fin juillet à Barcelone se sont vendues en quelques minutes. Ils ont signé un contrat avec Sony pour un disque et commencé à réenregistrer toutes les chansons, avec du matériel meilleur que des téléphones portables. Si j’en crois les commentaires sur leur chaîne YouTube, leur musique est écoutée partout en Espagne, aux Etats-Unis, en Allemagne, au Mexique, etc. Et en France.
Enfermés dans leur appartement, ils avaient le temps, l’inspiration et le talent pour écrire et enregistrer une chanson tous les deux jours. Ils ont aussi bénéficié d’un engouement unique. De notre besoin de musique. De notre envie de partager des petits bonheurs dans la tempête. Mais aussi de notre plaisir à reconnaître un peu de nos expériences collectives dans leurs textes.
À quoi ressemblera leur jour d’après ?
Ils sont les visages souriants du confinement, ceux à qui la situation semble avoir profité. Est-ce vrai ? Dans combien de temps pourront-ils vraiment jouer devant des spectateurs, enregistrer et promouvoir un album ? Rencontreront-ils vraiment le succès ? Le public n’aura-t-il pas envie de tourner la page ? Et ne nous cachent-ils pas des blessures et des drames, comme quand ils chantent, dans une de leurs dernières chansons, « tout ce que je tais finit par me brûler de l’intérieur » ?
À quoi ressemblera nos jours d’après ? Pour ceux qui sont en France, à quoi ressemblera l’après 11 mai ?
J’ai vu le mur s’effondrer. Et espéré un monde meilleur. J’ai vu les tours s’effondrer. Et espéré un monde meilleur. J’ai vu les cours de bourse s’effondrer. Et espéré un monde meilleur. Je suis réaliste. Les jours d’après ne nous amèneront pas un monde meilleur.
Mais se préparer au pire ne veut pas dire perdre espoir. Et je garde comme un trésor un petit morceau d’espoir, mis en musique. Stay Homas et Manu Chao chantaient en duo il y a quelques jours. « Et maintenant qu’allons-nous faire avec le silence quand sonnera la cloche de la liberté ? (¿Y ahora que vamos a hacer con el silencio cuando suene la campana de la libertad?) »