Au printemps dernier, lors de balades dans mon royaume rétréci de π km2, je comptais les fleurs. Il y avait des roses, des iris et du jasmin. La promesse de l’été qui s’annonçait.
Cet automne, je cherche les animaux imaginaires, ceux que de talentueux artistes ont dessinés sur des murs et des rideaux métalliques partout dans mon quartier. Ils ne sont pas toujours visibles, comme ces petites mosaïques à deux mètres cinquante du sol, pastèque, poisson ou gorille. Je les collectionne, des photos comme autant de souvenirs.
Un cerf bleu, beige et rouge s’avançait rue de Charonne, tel un patronus, le sortilège défensif des sorciers inventés par JK Rowling, avant de disparaître à nouveau, caché sous de la peinture.
Sur la promenade plantée, au-dessus du trafic et du bruit de la ville, Eve et le serpent se regardent dans un décor étoilé. Et, plus loin sur la même promenade, un toucan, un loup et une perruche défilent dans des looks à la mode, affublés de marinières et de lunettes de soleil.
Un poisson tropical jaune et noir nage sur un mur de béton rue de Faidherbe et attend les pluies de l’automne pour se mouiller un peu plus.
Boulevard de Charonne, deux marsupilamis semblent passer des coups de téléphone depuis la devanture d’un magasin, entourés de palmiers et d’une coccinelle mutante. Le marsupilami… définitivement un animal imaginaire.
Un poulpe étend ses tentacules rue de la Roquette, à quelques pas du Père-Lachaise et je pense à cette nouvelle de Ted Chiang, devenue le film Arrival, où des octopodes extraterrestres ont une conception circulaire du temps. Quelle belle idée. Ni passé ni futur, juste une roue de souvenirs.
Avec l’élargissement à 20 km, j’ai repris mes balades plus lointaines. Vers la Seine et ses ponts. Vers le bois de Vincennes. Hormis des chats et des chiens, bien réels, je n’y ai croisé aucun autre animal imaginaire.
Dans un autre roman de science-fiction dont le nom m’échappe, un enfant joue avec une peluche en forme d’hippopotame et le lecteur comprend que, dans ce futur proche, les hippopotames ont disparu, qu’il ne reste plus que leurs cousins imaginaires, tels ces ours en peluche qui ont remplacé les ours de nos forêts européennes.
Le dernier animal de ma collection est un koala, aperçu dans une petite rue à côté du métro Avron. « L’artiste l’a dessiné après les incendies en Australie » m’explique le vendeur de la boutique voisine. Il me faut un instant pour me rappeler que les incendies ont eu lieu en janvier. Il y a moins d’un an. Un instant pour comprendre que, comme les tentacules du poulpe, qui sont reliés chacun au même centre, les incendies, le virus et même la douceur de cet automne parisien portent tous notre funeste marque.
Je prends la photo et repars avec le koala imaginaire.
Des graffs qui ne font pas qu’embellir des murs décrépis, mais qui rappellent certainement la nécessité de se reconnecter à la nature lorsque le seul horizon des habitants est constitué de béton… Merci pour le texte et les images du quartier 🙂
Merci Carine pour ta fidélité ! Nous avons besoin de la nature et de ces artistes qui transforment des murs moches en oeuvres d’art.
Merci Caroline pour ce magnifique texte illustré de photos. J’adore la peinture de rue et vous lui rendez un bel hommage.
Merci Catherine. Les photos ont été la 1ère demande que j’ai reçue en envoyant l’email hebdomadaire (qui devient ensuite l’article de blog) & j’ai donc sélectionné quelques uns de mes préférés.
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