Quand ma sœur et moi sommes retournées à Buenos Aires, vingt ans après notre premier départ pour la capitale argentine, nous nous sommes dirigées vers notre ancien quartier. Devant la façade de notre ancienne maison, les arbres avaient poussé, cachant en partie les fenêtres.
Nous avons retrouvé une amie de longue date dans sa salle de classe, devant un tableau noir et dans le parfum mêlé des craies et de l’ardoise mouillée. Étudiante quand nous étions écolières, elle enseignait désormais dans notre ancienne école primaire. La salle de récréation nous a semblé rétrécie. De l’autre côté, était-ce la salle où nous allions jouer aux échecs après le déjeuner ? Et sous cette véranda, devant la bibliothèque, était-ce cette gouttière qui déversait des chutes d’eau dignes d’Iguazú les jours de pluie ? L’école, notre ancienne maison, le couloir vert formé par les arbres de l’avenida del Libertador… tout semblait plus petit pour mes yeux d’adulte. L’échelle avec laquelle je mesurais le monde avait bougé. Nous avons mangé ensemble des hamburguesas sur les bords du fleuve.
Je suis retournée dans l’école où j’ai fait mes études supérieures. Ce n’est pas comme ce voyage à Buenos Aires. Mon absence n’avait pas duré presque vingt ans à 10 000 kilomètres. Lors de ma dernière visite dans les locaux, il y a une dizaine d’années, je représentais mon employeur pendant un forum entreprises. J’avais expliqué mon quotidien aux étudiants, je leur avais détaillé comment postuler pour des stages ou des jobs permanents.
Je n’ai pas reconnu l’entrée. Un immeuble tel un paquebot gris et vert a surgi du sol. Les accès sont différents. Je me suis dirigée vers le bâtiment où se trouve la majorité des salles de cours. J’ai retrouvé des repères familiers. Les portes vitrées. Les noms des grands amphithéâtres. J’ai joué au jeu des sept différences. Nos anciens casiers, où nous recevions courriers de l’école, polycopiés et autres matériels scolaires, anonymes et inutilisés. Le matériel dernier cri pour projeter et filmer dans les salles. Un point de vente de cafés, comme un Starbucks sur le quai d’une gare, trônant au milieu du hall central. De nouvelles tables et fauteuils. Je me suis dirigée vers ma salle de classe.
Je n’ai pas pris de photos. Ni des couloirs avec leur nouvelle décoration orange, ni de la petite cafétéria, ni du paquebot gris et vert. Ni des écrans qui affichaient les cours de la matinée et où mon nom figurait parmi ceux des professeurs.
J’ai démarré la projection. J’ai salué mes étudiants. Je leur ai dit que j’étais une ancienne élève, que j’avais repéré quelques changements mais que je ne me sentais pas perdue. Mais je ne leur ai pas dit que tout m’a semblé plus petit. Le chemin que j’ai parcouru depuis mes années étudiantes a fait bouger l’échelle.
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