« Comment savoir que Chiswick se prononce sans dire le w ? », je demande à Karen, mon amie nord-irlandaise, elle qui a troqué Barcelone pour Londres il y a bientôt trois ans. « Grâce aux annonces dans les gares ou en écoutant les personnes qui habitent là » répond-elle en riant.
Ma sœur et moi sommes à Londres pour quelques jours et nous avons retrouvé Karen pour visiter ensemble Chiswick House, un palais du 18e siècle entouré d’un grand parc, situé dans l’ouest de la capitale britannique.
Dans les années 1720, Richard Boyle, Lord Burlington, a fait construire cette house de style néo-classique, à côté de l’ancien manoir de ses ancêtres, pour y présenter ses collections d’œuvres d’art et y recevoir ses amis. Conseillé par son ami William Kent, il a aussi fait aménager un jardin aux grandes pelouses et aux arbres plantés de manière irrégulière, composant une série de perspectives. Avec sa rivière, sa cascade, ses chênes et ses cèdres du Liban, et les belles vues sur le petit palais de couleur crème en son centre, le jardin de Chiswick House a été l’un des jardins les plus représentés du Royaume-Uni au 18e siècle et l’un des premiers jardins à l’anglaise.
Nous découvrons l’intérieur du palais néo-classique. Nous lisons que l’ancien manoir et des constructions postérieures ont tous été détruits. Nous visitons le jardin à l’italienne et la serre aux camélias ajoutés au début du 19e siècle. Le potager où poussent fleurs, légumes et fruits nous rappelle l’utilité première des jardins. Dans le jardin anglais, les labradors se jettent dans la rivière pour nager, effrayant cygnes et poules d’eau. Les pelouses vert-profond invitent à la flânerie et aux pique-niques.
Depuis Lord Burlington, Chiswick House a eu quelques habitants illustres, dont Georgiana Spencer, duchesse du Devonshire, aristocrate ayant eu une très grande influence politique pendant la deuxième moitié du 18e siècle, et le prince de Galles au 19e siècle. Jean-Jacques Rousseau, Benjamin Franklin ou la reine Victoria ont séjourné dans la maison. L’architecture et la décoration du palais néo-classique laisseraient supposer, enfin, que celui-ci aurait été un temple maçonnique.
Mais je reste sur des secrets qui ne se cachent pas. Le plaisir de partager un déjeuner et un goûter au soleil de la fin de l’été, confortablement installées sur la grande terrasse de la cafétéria du parc, au milieu des jeux des enfants et des conversations sur l’enterrement de la reine Elizabeth II. La joie de reconnaître la serre aux camélias et les statues romaines du jardin de Chiswick House dans la vidéo de Paperback writer des Beatles et de chantonner avec Paul McCartney sur YouTube, comme si ce jardin anglais avait accueilli le groupe de Liverpool la semaine dernière, au lieu de mai 1966.