L’arbre généalogique partagé sur Internet par une cousine de mon père me conduisait vers les archives numérisées de l’état civil du Maine et Loire. Un certificat de décès révélait l’origine de l’un de mes plusieurs-fois-arrières-grands-pères : le Grand-Duché de Baden. Une recherche sur Google Maps situait son village de naissance au sud de la Forêt-Noire, à 70 km de Colmar, sur l’autre rive du Rhin, dans l’Allemagne d’aujourd’hui.
Mes recherches se seraient arrêtées si je n’avais pas trouvé immédiatement un autre arbre généalogique sur le même site Internet : un arbre immense où figuraient les parents de mon aïeul, la longue liste de leurs enfants, et, au milieu, le prénom de mon plusieurs fois arrière-grand-père avec une date de naissance mais sans date de décès.
J’ai écrit à la personne ayant constitué cet arbre généalogique, un cousin allemand inconnu jusqu’à présent. Je lui ai envoyé une note en anglais expliquant qui j’étais et en lui donnant la liste des descendants français de son plusieurs-fois-arrière-grand-oncle. J’ai joint un arbre généalogique (celui préparé par la cousine de mon père), l’acte de décès de mon aïeul né outre-Rhin, quelques photos anciennes.
La réponse du cousin allemand a été rapide, chaleureuse. Jusqu’à recevoir mon e-mail, il ignorait où mon ancêtre avait disparu, quel avait été son destin. Dès son premier message, comme moi, il avançait des hypothèses sur les circonstances de son départ de sa région natale.
En quelques jours, nous avons poursuivi notre discussion par e-mail, sur des sujets aussi variés que les prénoms choisis dans ma branche de la famille, les tombes que l’on conserve en France (avec nos concessions à perpétuité) et qui disparaissent après 25 ans en Allemagne, notre intérêt commun pour la généalogie, les ancêtres que l’on cherche, que l’on oublie ou que l’on cache. Le cousin allemand habite en Forêt-Noire et exerce le même métier que mon aïeul et que de nombreux oncles et cousins : il est horloger.
Dans la troisième décennie du 19e siècle, un jeune homme quittait le Grand-Duché de Baden, avec un savoir-faire et des ambitions. Plusieurs cousins, un de ses frères avaient aussi pris la route de l’ouest. Il écrivait d’une belle écriture cursive, il travaillait probablement pour un réseau de négociants en horlogerie. Il ne repartirait jamais en arrière.
Je suis retournée sur le site de généalogie pour consulter l’arbre généalogique du cousin allemand. Maintenant, mon plusieurs-fois-arrière-grand père n’est plus un simple prénom suivi d’une date de naissance au milieu de ses frères et sœurs. Le cousin allemand a ajouté sa date de décès à Angers, sa femme et sa famille françaises sur un long siècle jusqu’à mon grand-père. Mon plusieurs-fois-arrière-grand-père était comme porté disparu. Et si j’ai les larmes aux yeux devant l’écran de mon ordinateur, c’est que deux siècles après son départ vers la France, mon plusieurs-fois-arrière-grand-père est enfin réuni avec toute sa famille.
Image by Emilian Robert Vicol from Pixabay
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