[Les coulisses] Un été austenien

Introduction 

Depuis quelques années, j’essaie de donner un thème à mon été, une manière de distinguer la saison du reste de l’année et autrement que par les vacances -même si mes séjours à Barcelone fin juillet commencent à s’établir comme une tradition-.

En 2021, j’avais regardé une grande partie la filmographie du réalisateur américain Robert Zemeckis, inspirée par le blog d’une critique de cinéma qui (re)voyait ses films. En 2022, j’avais amorcé une rétrospective sur Francis Ford Coppola, avant de bifurquer et de regarder des films avec son neveu, Nicholas Cage. En 2023 et 2024, je n’avais pas vraiment attribué de thème à mon été… ou pas de manière assez distinctive, car regarder un film le vendredi soir l’été si je suis à la maison ne constituait pas réellement un thème.

Et pourtant, chaque année, le podcast de l’autrice américaine Gretchen Rubin, Happier with Gretchen Rubin, me rappelle cette idée du « thème de l’été » car Gretchen et sa sœur et co-présentatrice, la scénariste Elizabeth Craft, choisissent un thème tous les ans pour leur été. Cette année, Gretchen s’était donné comme objectif de lire les piles de livre qu’elle accumule sans les lire (après avoir lu À la recherche du temps perdu une année, ou relu les œuvres de Virginia Woolf) et Elizabeth de mettre en bande-son de son été des titres de yatch rock (c’est-à-dire des chansons de rock qu’on pourrait imaginer écouter sur le pont d’un bateau de luxe… chansons que Spotify regroupe dans un genre musical…)

Mon idée initiale était de relire les romans de Barbara Pym, une autrice britannique que j’affectionne particulièrement. Cela représenterait une douzaine de romans à acheter ou emprunter à la bibliothèque (avec le défi de les trouver en anglais pour la lire en version originale). Mais, quelques articles de journaux évoquant les 250 ans de la naissance de Jane Austen fêtés cette année au Royaume-Uni m’ont conduit à changer de projet et à placer mon été sous le signe de Jane Austen.

Un été austenien

Relire les six romans

J’aurais pu me fixer comme objectif de relire les six romans les plus connus de la romancière : Orgueil et préjugés [Pride and prejudice], Raison et sentiments [Sense and sensibility], Emma, Mansfield Park, Persuasion et L’abbaye de Northanger [Northanger abbey]. Au mieux, j’aurais pu ajouter ses écrits de jeunesse (Lady Susan) ou les romans inachevés (Sanditon, par exemple) que je n’ai jamais lus. Mais j’ai tout de suite eu en tête les multiples adaptations pour le cinéma ou la télévision, mais aussi les livres inspirés par l’œuvre de Jane Austen. Comment pourrais-je résister à la tentation de revoir le délicieux film Clueless où le roman Emma est transposé en 1995 à Beverly Hills ?

J’ai donc décidé tout de suite que je ne me limiterais pas. J’inclurais les livres de Jane Austen, mais aussi les livres « héritiers » de Jane Austen, les films et les séries, les podcasts et les documentaires… Je me plongerais dans son univers, pas forcément dans les six romans.

Facile

Mes étagères contenaient assez de livres et de DVD pour commencer mon projet estival :

  • 4 romans de Jane Austen en version originale (Sense and sensibility, Pride and prejudice, Emma, Mansfield Park)
  • Des romans inspirés de l’œuvre de Jane Austen, et en particulier, d’Orgueil et préjugés, avec parmi eux 
    • Eligible de Curtis Sittenfeld (une transposition dans les années 2000 où Bingley a participé à l’émission télé The Bachelor)
    • North and south d’Elizabeth Gaskell (une sorte d’Orgueil et préjugés sous fond de Révolution industrielle dans le nord de l’Angleterre)
  • Des DVD, dont les adaptations de 1995 et 2005 d’Orgueil et préjugés
  • Des essais sur Jane Austen

Et je pourrais toujours boire du thé dans ma tasse Pride and prejudice orange et blanche comme accompagnement.

Ce que j’ai fait

Pour démarrer, j’ai regardé le documentaire en trois parties de la BBC tourné pour l’occasion des 250 ans de la naissance de Jane Austen, le bien-titré Jane Auten: Rise of a genius. Avec des interviews et des extraits des adaptations filmées des romans de Jane Austen, le documentaire est à la fois une biographie de l’autrice et un argumentaire sur tout ce qui fait la modernité et la pérennité de son œuvre littéraire. C’était le parfait point de départ.

J’ai commencé à regarder films et séries, à lire et à relire. J’ai inclus Bath et Londres dans mes vacances estivales. Et surtout, j’ai parlé de mon projet « Un été Jane Austen » autour de moi.

Mes constats

Les thèmes de ses romans sont toujours des thèmes d’actualité : famille, argent, mariage, amour, amitié, classes sociales, etc. Les adaptations contemporaines fonctionnent grâce à la modernité de l’œuvre. Une amie m’a dit « tant que le patriarcat continuera, on lira Jane Austen » et elle a raison. Et je pense qu’on la lira encore après.

Ses personnages ont traversé les époques, surtout cette galerie de personnages féminins tellement reconnaissables, tellement bien croqués. Ses héroïnes, celles dont nous suivons les aventures dans les romans, mais aussi les personnages secondaires comme Mrs Bennett, Lady Catherine de Burgh, Miss Bates, Mrs Dashwood…   

Elle a su construire une complicité avec les lecteurs, étant une pionnière du discours indirect libre. Nous en savons plus que les héroïnes car nous comprenons des choses qu’elles ne savent pas encore au travers des scènes que Jane Austen construit devant nous.

Et bien sûr, son sens de l’humour est intact sur la page. Combien ai-je ri quand Catherine Morland pense avoir trouvé un manuscrit hanté dans un placard de Northanger Abbey avant que sa bougie ne s’éteigne et, le lendemain matin, découvre un inventaire de blanchisseuse au pied de son lit ?

Son œuvre a ce qui fait les classiques : il est possible de relire ses romans, même en connaissances les intrigues, et découvrir de nouvelles sources d’amusement ou de compréhension de la société dans laquelle elle vivait.

Au Royaume-Uni, Jane Austen est incontournable. Elle occupe une place culturelle centrale, amplifiée par les adaptations filmées de ses romans depuis la version d’Orgueil et préjugés adaptée par le scénariste Andrew Davies pour la BBC en 1995.  Son visage est sur le billet de 10 livres, ses livres sont dans les librairies et les produits dérivés nombreux, surtout à Bath. Pour les 250 ans de sa naissance… Jane Austen est partout.

Conclusion : Pour l’été prochain  

J’ai pris beaucoup de plaisir à donner un thème à mon été… et je recommencerai sûrement l’année prochaine, en espérant trouver un thème aussi amusant et riche que celui des romans de Jane Austen et leurs multiples dérivés. 

Voici les éléments positifs que je retiens :

  • Sélectionner un thème qui soit un véritable centre d’intérêt pour moi, et pas une obligation. Je ne pourrais pas me dire « l’été où je lirai A la recherche du temps perdu ou Guerre et paix… » 
  • Choisir un thème avec des déclinaisons diverses. Cet été, j’ai pu alterner entre séries, films, livres, etc.
  • Limiter la période (de juin à fin août, par exemple…) pour que la saisonnalité soit claire dans mon esprit
  • Faire vivre mon sens de l’aventure.J’ai retrouvé la tombe de l’auteur chilien Alberto Blest Gana au cimetière du Père-Lachaise après avoir relu son roman Martín Rivas publié au cœur du 19e siècle. Je suis allée à Bath (ce qui n’était pas prévu au début de l’été).
  • Partager avec d’autres mon thème de l’été et bénéficier d’idées et d’encouragements. Comme une amie qui s’est gentiment moquée de moi fin juillet quand je lui ai dit que je n’avais pas encore (re)lu aucun des romans de Jane Austen cet été… me poussant à relire Northanger Abbey.

Mon projet « Un été austenien » avait ses limites. Je n’ai pas relu les six romans principaux, ni même ses œuvres de jeunesse et les romans non finis… Mais je n’ai pas un goût d’inachevé. Car, si on excepte Mansfield Park et le roman jamais terminé The Watsons, j’ai relu Northanger Abbey et lu ou vu des adaptations de tous ses autres romans. En revanche, je me demande si j’aurais pu trouver des manières plus créatives de faire vivre ce projet : m’inspirer des romans et de leurs adaptations pour dessiner personnages et décors ? écrire quelque chose d’autre que cette synthèse de mon été austenien ?

Je réfléchis déjà au thème que je me fixerai l’été prochain. Je pourrais choisir un autre auteur classique avec une influence et un héritage aussi important (Mary Shelley, Alexandre Dumas, Charles Dickens, Colette, etc.), un pays ou une région (comme Paris-Plages qui, cette année, s’était donné le Brésil comme inspiration)… ou un autre projet.   

Annexe : Ce que j’ai lu, vu et écouté  

Documentaire

  • Jane Austen: The rise of a genius (BBC) : un documentaire en 3 parties sur la vie et l’œuvre de la romancière

Films

  • Clueless : une transposition du roman Emma dans un lycée de Los Angeles dans les années 1990
  • Emma : une adaptation où Emma est interprétée par l’Américaine Gwnyneth Paltrow
  • Bridget Jones’ diary : l’inimitable Bridget Jones est l’incarnation moderne d’Elizabeth Bennett
  • Austenland : des Américaines partent en vacances au Royaume-Uni vivre dans une reconstitution de l’Angleterre austenienne
  • Love and friendship : une adaptation en costumes et décors d’époque du court roman Lady Susan qui fait partie des écrits de jeunesse de Jane Austen. Drôle et irrévérencieux.   
  • Fire island : une transposition d’Orgueil et préjugés à Fire Island près de New York avec un groupe d’amis gays au lieu des 5 sœurs Bennett
  • Jane Austen a gâché ma vie : une Parisienne un peu paumée participe à une résidence d’écrivains dans la maison de Jane Austen dans le sud de l’Angleterre  
  • The materialists : les thèmes argent et mariage semblent droits sortir des livres de Jane Austen

Séries télé / Adaptations pour la télévision

  • Emma : une adaptation où l’héroïne est interprétée par la Britannique Kate Beckinsale
  • Austentatious : une websérie située à l’époque actuelle où toutes les héroïnes d’Austen sont amies
  • Sanditon (début de la saison 1)

Romans

  • Northanger Abbey [L’abbaye de Northanger] Jane Austen
  • Sense and sensibility [Non traduit en français] Joanne Trollope
  • Bridget Jones’ diary [Le journal de Bridget Jones] Helen Fielding
  • Martín Rivas [Non traduit en français] d’Alberto Blest Gana : dans le Chili des années 1860, un Orgueil et préjugés sous fond de tensions sociales et politiques   
  • The small house at Allington [La petite maison d’Allington] Anthony Trollope : un classique où l’aspect financier des fiançailles est au cœur des intrigues  
  • The buccaneers [Les boucanières] Edith Wharton : un roman inachevé d’Edith Wharton où des jeunes femmes américaines se marient dans l’aristocratie britannique de la fin du 19e siècle. Aussi finement observé que les romans de Jane Austen.    

Essais/autobiographies

  • All roads lead to Austen [Non traduit en français] Amy Elizabeth Smith : un récit autobiographique où une professeure américaine passe une année en Amérique latine à lire Jane Austen avec des groupes de lecteurs très différents  
  • Jane’s fame: how Jane Austen conquered the world [Non traduit en français] Claire Harman : une étude de l’impact culturel de Jane Austen

Podcast

  • Slate books: Why Jane Austen still slaps?

Voyages

  • Bath (où Jane Austen a vécu plusieurs années après le décès de son père)
  • Londres

Théâtre

  • Plied and prejudice : une adaptation déjantée d’Orgueil et préjugés interprétée par 5 acteurs australiens

Fanfiction inspirée par les œuvres de Jane Austen

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