Mon avion a atterri après 22 heures à l’aéroport de Barcelone, un soir de décembre. Je prends place dans un taxi. Je plaisante avec le chauffeur : est-il trop tard pour dire buenas tardes ou trop tôt pour utiliser buenas noches ? Il me confirme d’un ton jovial que buenas noches convient parfaitement. Je lui donne ma destination. Il me propose un itinéraire par la Gran Vía, le surnom donné à l’avenue des Corts Catalanes qui traverse la ville de part en part, parallèle à la mer. J’ai envie de rire car qui mieux qu’un taxi pour savoir comment circuler dans une ville. Mais c’est le chemin que je prends habituellement avec ses collègues à cette heure-là et cela semble la meilleure option. Il s’explique d’un « la réalité a dépassé la théorie en matière de trafic automobile. » Il me raconte que, la veille, les embouteillages ont battu des records dans la capitale catalane. La circulation était totalement impossible entre 16 heures et 22 heures. « Une passagère a regardé Google Maps sur son téléphone » ironise-t-il « et elle a vu toutes les routes en rouge et elle m’a demandé de faire au mieux ». Le trafic était un totalmente colapsado, totalement effondré.
« C’était à cause de la pluie » je le questionne, embrouillée par la pelouse gorgée d’eau du très madrilène stade Santiago Bernabeu la veille au soir pendant le match du Real que je regardais à la télévision. « À peine, il y a juste eu quelques gouttes, c’était très bizarre » me dit-il. Je lui parle du suicide à Châtelet-Les-Halles qui a fait colapsar (s’effondrer) les transports en commun parisiens le jour-même en interrompant le RER A en pleine heure de pointe. Je compare les lignes de RER avec celles des Rodalies catalans et Châtelet-Les-Halles à un combiné des stations de Plaça d’Espanya et de Plaça Catalunya en 5 fois pire. Je lui raconte que je n’ai pas loupé mon avion car j’avais beaucoup d’avance pour le vol et que j’ai réussi à rejoindre l’aéroport d’Orly sans trop de difficultés.
Alors que nous traversons la très belle avenue du Passeig de Gràcia avec ses illuminations de Noël, je lui demande si les touristes sont revenus. Il commente que le business était OK en novembre mais qu’ils sont rentrés dans une période bizarre avant les fêtes, où les gens sortent moins en prévisions d’événements festifs à venir (les dîners d’entreprise, les soirées en famille…) et puis qu’il y a le pont et que beaucoup de personnes vont quitter Barcelone pour le week-end prolongé (les 6 et 8 décembre étant fériés dans toute l’Espagne, ce pont est en fait un aqueduc).
Nous parlons du Covid, du variant Omicron, des pandémies en général, du vaccin et du pass sanitaire qui arrive en Catalogne. Je lui raconte qu’une version de pass sanitaire est en vigueur en France depuis 6 mois. Je félicite cette Union Européenne qui nous permet d’utiliser les mêmes certificats de vaccination et les mêmes QR codes des deux côtés de la frontière. « Mes amies d’ici m’ont parlé de La Meva Salut (Ma santé), l’application à télécharger mais elles m’ont dit que je n’en aurais pas besoin ici si j’avais le certificat obtenu en France. »
« Ils ont reporté l’entrée en vigueur du pass sanitaire d’une semaine parce que les gens saturaient le site de La Meva Salut. » m’explique-t-il. « Un représentant de la Generalitat a expliqué à la radio que certaines personnes avaient téléchargé des dizaines voire des centaines de fois leur certificat de vaccination au lieu de le sauvegarder sur leur téléphone. Provoquant ainsi le colapso total, l’effondrement total du site web. Quand je pense à ma mère qui m’appelle car son téléphone marche mal et ensuite je me rends compte qu’elle a encore des memes et des photos d’il y a 3 ans et qu’elle garde tout ce qu’elle reçoit par WhatsApp… » renchérit-il.
Le masque dissimule mon sourire quand la voiture s’arrête au croisement du carrer de Valencia et du carrer de Rogent, dans mon ancien quartier. Je n’habite plus dans cette ville mais les conversations avec les chauffeurs de taxi sont toujours un éxito total : un succès total.
Vous devez avoir le don de faire la conversation!
Hahaha. Merci Francine. Je pense que c’est comme le tennis, il faut 2 joueurs. En l’occurence, je me suis bien amusée. Et quand j’ai rejoint mon hôtel quelques minutes plus tard, j’ai pris en note les points majeurs de la conversation pour que cela devienne la prochaine lettre 😉