Ce matin de début janvier, j’ai quitté mon appartement plus tard que prévu. Il fallait penser à l’ordinateur, au pass Navigo, à avaler un petit-déjeuner. J’avais mal dormi. Mon sommeil n’est jamais bon les veilles de rentrée. Un problème dans les transports en commun a dévié et ralenti ma trajectoire. J’écoutais un podcast ou de la musique. Une première journée. J’en ai vécu tellement. De nouveaux collègues, un nouveau lieu, un nouveau projet. Le cocktail d’adrénaline et de stress n’avait pas changé.
La personne qui devait m’accueillir ne serait pas là. Cas contact. Mais elle avait chargé une autre collègue, une femme dont le prénom et le nom de famille évoquaient l’Espagne ou l’Amérique latine, de la remplacer. Voici le sésame que j’ai prononcé à l’accueil, en glissant ma carte d’identité. Je n’étais pas en retard, seulement moins en avance que je ne l’aurais souhaité
Mon guide est arrivée sur ma droite et m’a salué. J’ai entendu son léger accent et je lui ai demandé, en la tutoyant, si nous pouvions basculer à l’espagnol. « J’avais vu dans ton profil que tu parles espagnol » me dit-elle en guise d’assentiment. « Je te conduis à ta salle ». Nous avons pris un ascenseur avec une autre femme, qui semblait étonnée de nous entendre bavarder dans la langue de Cervantes.
« D’où es-tu ? » j’ai demandé à mon guide en arrivant dans une salle avec de grandes fenêtres car je reconnaissais l’accent du río de la Plata mais sans en être sûre.
« Buenos Aires » dit-elle. Buenos Aires.
« Une ville chère à mon cœur » j’ai répondu. Et devant ses yeux surpris, je lui ai expliqué que j’y ai vécu enfant, même si Madrid a gommé mon accent, contrairement à Messi qui est arrivé au même âge que moi en Espagne mais n’a jamais perdu le parler chantant des Argentins.
Elle m’a proposé de l’accompagner en salle de pause. Elle allait chercher de l’eau chaude pour du mate. J’ai décliné l’invitation. J’avais trop de choses à préparer.
J’ai lancé PowerPoint et Zoom pour des étudiants qui suivraient le cours à distance. J’aurais volontiers pris une photo du monument parisien que je voyais à travers les fenêtres. Ma collègue argentine est revenue. Elle m’a encouragé d’un sourire masqué et elle m’a donné un verre d’eau avant de repartir vers son bureau. Les étudiants sont arrivés et ont pris place dans la salle.
« Alors ? » m’a demandé ma sœur avec qui je déjeunais après le cours.
J’ai donné quelques bribes de réponses. Les étudiants étaient sérieux et motivés, probablement encouragés par les débouchés professionnels. Ils avaient posé de bonnes questions. Et je n’avais pas eu à faire la police. Ni pour les masques, ni pour les bavardages, ni pour l’usage des téléphones portables.
« J’avais déjà donné des formations dans un de mes anciens jobs » j’ai ajouté, ce mantra auquel je m’étais cramponnée des semaines durant, la veille, pendant la nuit, le matin-même.
« Ce n’était pas pareil » m’a dit ma sœur. « Maintenant tu es payée pour le faire ».
En rentrant chez moi, j’ai écrit un message de remerciement à la collègue qui devait m’accueillir en lui souhaitant un rapide retour sur le campus. Et un second message à ma collègue argentine. Pour son accueil chaleureux. Et pour le verre d’eau.
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