Se retrouver pour manger ou pour boire un verre fait partie de nos habitudes parisiennes. À l’heure du déjeuner, personne ne se résout à manger devant un ordinateur, le repas est idéalement partagé. En fin de journée, apéritifs et dîners ravivent des centaines de souvenirs festifs. Mais depuis fin octobre, les restaurants peuvent seulement vendre des plats à emporter et beaucoup ont fermé leurs portes.
Mon dernier repas à l’intérieur d’un restaurant date du 12 mars 2020, un déjeuner presque comme les autres avec un collègue et ami. La vague qui déferlait vers Paris animait notre discussion. Même lors de leur réouverture pendant l’été et l’automne, j’ai privilégié les repas partagés à l’extérieur.
Les cantines scolaires et les cantines d’entreprise ont continué de servir des déjeuners. Mais comment qualifier les salles de réunion où déjeunent ensemble des collègues ? Qu’en est-il d’un espace de coworking où l’on peut apporter un menu acheté à l’extérieur ? Voire en commander un et se faire livrer ?
Quelques restaurants ont continué de servir –discrètement et illégalement– dans les étages ou dans les deuxièmes salles, à l’abri des regards. Certains patrons et certains clients se prennent pour des héros de la Résistance. D’autres ont créé chez eux des « clubs » où leurs invités peuvent manger : le gouvernement ne peut pas –Constitution oblige– interdire ou limiter le nombre de personnes que nous pouvons inviter à notre domicile.
La semaine dernière, les restaurants clandestins ont fait scandale dans les médias. Un de ces clubs privés faisait ouvertement sa promotion sur les réseaux sociaux avec des convives connus de tous. L’opinion publique s’est offusquée de l’affichage d’un comportement peu exemplaire (à défaut d’enfreindre les restrictions actuelles), des prix exorbitants des menus (400 euros) dans un pays où la pauvreté a fortement augmenté depuis un an et, très certainement, de la faible qualité des plats proposés, photos à l’appui.
J’ai pensé à Al Capone qui fut arrêté pour fraude fiscale. Ces vrais-faux restaurateurs seront sanctionnés de la même manière : revenus non déclarés, fraude à la TVA, non-respect des règles de sécurité alimentaire ou sur la vente d’alcool, etc. La règlementation et la bureaucratie font autant partie de nos habitudes que d’aller au restaurant.
Quand je repense à l’année écoulée, je me souviens de petits-déjeuners pris le week-end sur le boulevard Voltaire, sur les berges de la Seine ou du lac Daumesnil. J’ai fêté des anniversaires en allumant des bougies et en ouvrant des bouteilles de champagne sur les deux rives du fleuve. J’ai partagé des pizzas par zéro degré et sous un petit crachin dans un jardin début décembre. J’ai donné des rendez-vous aux Tuileries vidées de leurs touristes et où les canards essayent de manger des sushi. J’ai observé les télétravailleurs envahir les pelouses et les bancs proches de mon domicile à l’heure du déjeuner, surtout quand le soleil est de la partie. Parfois, j’aimerais être assise confortablement, devant une belle nappe blanche, commandant une carafe d’eau ou un café noisette à un serveur se retenant de me sourire. Mais j’étais déjà rompue à une autre tradition parisienne : le pique-nique.
Image par Photo Mix de Pixabay
c’est vrai que les restaurants et leurs convivialités très française nous manquent. On se croirait encore sous Louis XVI et Marie Antoinette qui n’en faisaient qu’à leur tête (humour tranchant 😉 et proposaient au peuple qui mourrait de faim de la brioche. Aucun exemple à prendre du côté de nos dirigeants et on se prend à rêver de désobéissance. Encore une lettre très intéressante, merci Caroline et bon week-end.
Haha. Effectivement, le parallèle historique avec nos élites, passées et actuelles, est très vrai. Soyons patients et profitons des beaux jours pour se voir à l’air libre. Bon week-end également.