Les romans L’appel de la forêt (The call of the Wild dans sa version originale) et Croc-Blanc (White Fang) de l’auteur américain Jack London font partie de ses livres que je pensais avoir lus, probablement dans une adaptation pour les enfants de la série la Bibliothèque verte.
Je me serais souvenue des premiers chapitres de Croc-Blanc, digne d’un film d’horreur mais avec une pointe d’humour noir. En plein hiver, deux hommes transportent sur un traîneau conduit par six chiens le cercueil contenant un de leurs compagnons. Sans munitions pour leurs fusils, ils sont progressivement encerclés par une meute de loups affamés par le manque de nourriture. Chaque nuit, un de leurs chiens disparaît, tué par les loups.
Les deux récits sont inspirés par l’expérience de Jack London, lui qui avait quitté San Francisco en 1896 pour les abords de la rivière Klondike, dans le territoire du Yukon. Comme des milliers d’autres, il cherchait de l’or et dans cette folie collective, les chiens étaient critiques pour déplacer le matériel, surtout en hiver.
Dans L’appel de la forêt, Buck, un saint-bernard californien, devient un loup. Enlevé à son propriétaire près de Santa Clara, il est transporté dans le Grand-Nord canadien pour y travailler comme chien de traineau. Il entend peu à peu le call of the wild, l’appel sauvage (le nouveau titre français du livre), cet instinct pour ce qui est libre, pour ce qui n’est pas domestiqué.
Le héros du deuxième roman, Croc-Blanc, dont la majorité de la lignée est composée de loups, devient un chien. Jeune chiot, il est adopté avec sa mère par un autochtone, Grey Beaver (Castor Gris). Ensuite, il est emprisonné et contraint à participer à des combats de chiens. Enfin, par affection pour un homme blanc venu de Californie pendant la ruée vers l’or, il devient apprivoisé et suit son maître vers le sud.
Les deux livres sont racontés, dans leur ensemble, à hauteur de canidé. Chiens et loups sont les personnages principaux. Jack London parvient à les rendre attachants, sans pour autant tomber dans l’anthropomorphisme : loups et chiens ne pensent pas comme des êtres humains et ne comprennent jamais totalement leurs motivations.
Derrière leurs apparences de romans d’aventure, les deux récits sont devenus des classiques car ils touchent à des thèmes plus profonds : inné ou acquis, Rousseau ou Hobbes, nature ou civilisation, liberté ou asservissement. Jack London, imprégné d’idéaux socialistes, journaliste dans les quartiers les plus pauvres de l’East End à Londres en 1903, la même année où il publia L’appel de la forêt, savait que la société humaine était plus hostile, plus cruelle que la nature sauvage.
Chien ou loup ? Servir les êtres humains au confort du feu ou vivre libre dans les grands espaces ? Jack London avait donné sa réponse en nommant son ranch de Californie La maison du loup (Wolf House).
Je lis les chapitres qui chantent le froid, la glace, les pins, les aurores boréales, les torrents. C’est le chant du loup, écrit Jack London, le chant du temps où le monde était jeune. C’est le chant de la littérature, j’ajouterais, qui peut nous transporter dans le Grand-Nord en quelques signes tracés, tels des pattes de loup, sur une page blanche comme neige.
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