Margaret Atwood a écrit La servante écarlate au début des années 1980, inspirée par des séjours en Europe de l’Est et en Afghanistan. Dans cette dystopie, les Etats-Unis sont devenus une théocratie, définie notamment par le contrôle exercé sur les femmes. Atwood avait fixé une limite à son imagination : n’inclure aucun événement ou pratique qui n’aurait pas déjà eu lieu dans l’histoire humaine, ni aucune nouvelle technologie.
Les semaines passent dans cet étrange printemps et, comme en lisant le roman d’Atwood, rien ne me surprend. Rien ne m’étonne. Ce que la pandémie révèle, je le savais déjà.
Le monde s’arrête quand des riches occidentaux meurent. Il y a plus d’enfants qui périssent de la faim chaque jour que de victimes du nouveau coronavirus. Les inégalités tuent. Les maladies chroniques issues de la pauvreté, les mauvaises conditions de logement et de transport, les jobs précaires, le manque d’accès au soin et à l’éducation.
Les animaux se portent mieux quand nous ne sommes pas occupés à détruire la planète. Nous avons donné trop d’espace urbain aux voitures et pas assez aux parcs et aux oiseaux. Les pays en crise politique gèrent moins bien des crises sanitaires. Les patrons de la Silicon Valley rêvent de nos vies digitalisées, nous réduire à des yeux et des oreilles devant des écrans. Pour eux, nous n’avons pas besoin des trois sens dont le virus nous prive : le goût, l’odorat… et le toucher.
Les entreprises qui pratiquent le greenwashing se sont vite adaptées au coronawashing, plus préoccupées par paraître que par être. Et je vois Sylvestre Jr dans les dessins animés dire « quelle honte » et se cacher dans un sac en papier. Les managers qui ne faisaient pas confiance au télétravail s’étonnent que leurs collaborateurs travaillent correctement à distance. Ceux qui ne s’intéressaient pas aux autres, ne poseront toujours pas de questions. Et ceux qui se comportent comme des premiers de la classe, seront les premiers à faire leurs « rentrées ».
La chorale de Barcelone n’arrive pas à se réinventer en ligne. Oscar, l’homme des concerts dans la rue et plutôt fâché avec la technologie, n’a pas réussi à proposer quelque chose de nouveau, hormis quelques vidéos individuelles de choristes chantant tous This little light of mine.
La France n’est pas un pays de foot. C’est le seul championnat européen majeur qui a été décrété fini, alors que les clubs de football italiens, espagnols, anglais et allemands ont repris le chemin des entraînements.
J’ai rêvé plusieurs fois que je dépassais le temps imparti sur mon attestation de sortie. Je rêvais déjà d’être en retard au lycée.
La nature humaine a un cœur ancien. Notre besoin des autres. Notre solidarité. Toutes nos traditions et savoir-faire. Gastronomie, musique, danse, peinture, jardinage, couture, jeux, etc.
Le monde est petit. Nous sommes tous connectés les uns aux autres. Que les frontières soient ouvertes ou fermées. Qu’il y ait des avions dans le ciel ou non.
Rien ne m’a vraiment surpris. Ce que la pandémie révèle, je le savais déjà. Mais, comme dans le roman d’Atwood, toutes les autres émotions sont possibles. De la peur, de la colère, de la tristesse, de l’impuissance, de la complicité, de la compassion, du courage.
Merci pour ce texte puissant et nécessaire. Et oui, Margaret Atwood n’a malheureusement rien inventé ! Bravo et merci
Merci Mirelle pour ta lecture et tes compliments 🙂