Hier matin, dans la rue Santiago Bernabéu à Madrid, à cent mètres du stade du même nom, une énorme pancarte rose et bleue a été déployée sur un immeuble. La photo d’un homme souriant, costume-cravate, s’affiche sur cinquante mètres de haut et vingt mètres de large avec un seul message « envie de vous revoir », ganas de volver a veros, en espagnol. Cet homme est candidat à une élection qui se tiendra en janvier : Joan Laporta vise un nouveau mandat en tant que président du FC Barcelone. En Espagne, quelques rares clubs de football sont encore des associations, dont les membres (socios) élisent les dirigeants du club. Bien sûr, du fait des cautions à accorder sur leurs biens personnels, la plupart des mandataires sont des hommes riches.
Laporta, qui a dirigé le club entre 2003 et 2010, a expliqué la pancarte par sa volonté de faire campagne dans toute l’Espagne, et pas seulement en Catalogne où réside la majorité des 100 000 électeurs. « On a envie de revoir les supporteurs du Barça dans les stades » a complété un des conseillers médias du candidat. Les stades sont vides depuis mars. Mais le lieu a été choisi pour une autre raison. Laporta s’adresse aux fans du Barça et à ses possibles électeurs, mais aussi aux supporteurs du Real Madrid, dans un « envie de vous revoir » pour un match au stade Santiago Bernabéu et ainsi entretenir une rivalité footballistique sans égale.
L’affiche rose et bleue a généré le buzz médiatique escompté. Presse écrite, radio, télévision. Les réseaux sociaux se sont emparés de l’image pour des détournements réussis. Une photo du roi Juan Carlos 1ero, en semi-exil à Abu Dhabi après les révélations concernant sa fondation secrète en Suisse, qui proclame « envie de vous revoir ». Une photo de Neymar, qui va jouer contre son ancien club en février dans une redite des duels PSG – Barça et qui affirme aussi « envie de vous revoir ».
Le principal opposant de Laporta pour les élections, Víctor Font, pris au dépourvu par l’action de son rival, a déclaré que Laporta était un maître absolu en communication mais que le club, surendetté, était au bord de la faillite économique et qu’il lui fallait un projet et une équipe de direction à la hauteur des enjeux.
Depuis hier matin, une énorme pancarte rose et bleue installée sur un immeuble du centre de Madrid dit ce que nous pensons tous après des mois de distanciation physique, de quatorzaines, de masques, de visioconférences, de matchs sans spectateurs et de célébrations sans public : « envie de vous revoir ». Les messages plus complexes, sur le remboursement de la dette, le redressement économique et les projets d’avenir, peuvent attendre. Si le lancement de la campagne électorale pour la présidence du FC Barcelone a eu un tel retentissement dans les médias espagnols hier, c’est parce que son message direct et simple est celui que nous avons tous dans la tête et dans le cœur. Envie de vous revoir.