La maison qui rend fou

Dans le dessin animé Les douze travaux d’Astérix, sorti en 1976, Astérix et Obélix réalisent douze épreuves, inspirées de celles d’Hercules, pour relever un défi lancé par Jules César à l’irréductible village gaulois. L’une de ces épreuves consiste à ressortir d’une administration romaine avec un laissez-passer. Sauf que ce bâtiment, surnommé « la maison qui rend fou », est un labyrinthe bureaucratique que les deux héros croient ne jamais réussir à quitter… sans perdre la raison.

Il y a quelques jours, j’ai acheté sur internet une carte de réduction SNCF pour un prochain voyage avec ma sœur. J’ai immédiatement reçu par e-mail le numéro de la carte et ses dates de validité mais sans que la carte de réduction ne soit attachée, en format PDF, à l’e-mail. Après plusieurs recherches sur le site web de la compagnie ferroviaire, j’ai interrogé le chatbot, ce système de discussion par intelligence artificielle intégré à la page internet de la SNCF.  Celui-ci m’a renvoyé les mêmes explications que j’avais déjà lues pour obtenir ma carte de réduction fantôme puis m’a demandé si j’étais satisfaite de l’aide fournie alors que rien n’était résolu. Seule dans ma cuisine face à mon ordinateur, je me suis exclamée à haute voix, très agacée : « Je suis dans la maison qui rend fou ».

Quand j’ai raconté mes mésaventures avec le chatbot de la SNCF à ma sœur, Lau, celle-ci m’a proposé d’aller dans une gare parler à un être humain. Je lui ai transmis l’email de confirmation avec sa carte fantôme et les horaires des billets que nous souhaitions acheter pour notre voyage, réductions annoncées comprises.

Ce matin, alors que je sortais d’une réunion, Lau m’a écrit. « Je t’ai acheté une [nouvelle] carte de réduction », me disait-elle, ajoutant à son message la photo d’un reçu imprimé sur un frêle papier de ticket de carte bancaire. « La salariée de la billetterie SNCF de la gare d’Austerlitz n’a jamais retrouvé ton achat. La SNCF a installé un nouveau système informatique et apparemment ça ne marche pas toujours ».

Nous pourrions tous donner des exemples de ces maisons qui rendent fous, dont le pouvoir est décuplé puisque nous ne parlons plus seulement à des êtres humains mais aussi à des machines, dont la rigidité exclut ceux qui maîtrisent moins bien les nouvelles technologies ou la langue française.  

« Je me suis fait passer pour toi [au guichet SNCF] » conclut ma sœur dans un message vengeur.

« Il faut bien contrecarrer les desseins de la maison des fous », je lui réponds par écran interposé, sourire aux lèvres. Fausses jumelles, nous avons sûrement encore plus de plaisir à jouer à ce jeu-là.

Dans le scénario des Douze travaux d’Astérix écrit par Goscinny et Uderzo –avec l’aide du génial Pierre Tchernia–, Astérix et Obélix combattent les bureaucrates de la maison qui rend fou en inventant eux-mêmes un nouveau formulaire et réussissent à obtenir le précieux laissez-passer. Il n’y a pas de potion magique contre les bureaucraties d’aujourd’hui, seulement l’humour et l’imagination.

Image par Ag Ku de Pixabay

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