Les gendarmes et les voleurs

« La seule bonne nouvelle en cette triste période ». J’ai envoyé un message à un collègue et ami pour lui dire que Dexter, la série de la chaîne américaine Showtime, serait relancée en 2021 pour une 9ème saison et sa réponse n’a pas tardé.

J’ai regardé une émission d’Arte sur la peste noire qui a dévasté l’Europe entre 1347 et 1352. Un historien expliquait que peu de textes de l’époque évoquaient directement la peste mais que son empreinte se devine, en creux, dans les registres qui s’interrompent, les taxes sur les cierges funéraires, les violences contre ceux qui sont accusés à tort de propager l’épidémie. Les contes de l’Europe médiévale décrivaient des loups ou des chevaliers, jamais des bacilles ou des virus.

Le jour, Dexter travaille pour la police scientifique de Miami. La nuit, il commet meurtre après meurtre, choisissant ses victimes parmi des criminels pour lesquels la justice ne dispose pas de preuves suffisantes ou valables. J’attends depuis la première saison qu’il soit (enfin) identifié, arrêté et jugé et j’espère que l’intrigue de 9ème saison exaucera mon vœu.  

Cet été, le magazine Society a sorti deux numéros sur l’affaire Dupont de Ligonnès, quintuple meurtre non élucidé en 2011 à Nantes, pour lequel Xavier Dupont de Ligonnès, introuvable depuis les faits, est le principal suspect. Les ventes ont tellement dépassé leurs prévisions que des rééditions ont été imprimées.  Cette semaine, télés, radios et journaux consacrent temps et pages au procès aux assises de Jonathan Daval, accusé d’avoir tué son épouse Alexia en 2017 après une soirée raclette en famille.

Je ne vois pas de hasard dans cet intérêt renouvelé pour les ogres et les dragons d’aujourd’hui. Lecteurs et téléspectateurs dirigent leur attention vers des faits-divers plus compréhensibles qu’un virus invisible à l’œil nu, dont les effets sont amplifiés par des facteurs tellement complexes qu’ils en deviennent illisibles. J’attends, moi aussi, la résolution de ces parties de gendarmes et voleurs, pour continuer de croire, comme dans les contes, que les méchants seront punis à la fin. Si j’aime les romans, films et séries policiers, c’est autant pour les enquêtes que pour cette résolution.     

Un jour, d’autres historiens analyseront la pandémie que nous traversons. Je me demande ce qu’ils trouveront dans l’envers de cette année. Nous avons beaucoup appris sur le virus. Nous avons tenté de le contenir, de faire face. Rien n’est en creux dans notre déferlante d’informations, de données et d’analyses. Rien n’est en creux dans les conséquences sanitaires, sociales ou économiques qui se dessinent. Mais un jour, d’autres historiens s’avanceront, tels Dexter sur la scène du crime, et remarqueront des figures et des tendances qui nous échappent encore.

Pour l’instant, je ne suis sûre que d’une chose : si un traitement, les masques ou toute autre action finissent par nous débarrasser du virus… personne ne réclamera une deuxième saison.

Image par Anja🤗🙏 de Pixabay

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