J’ai écrit ma première lettre en CM2. J’ai adressé cette lettre à Misela, ma meilleure amie de Buenos Aires, quand nous sommes rentrés vivre en banlieue parisienne. Je n’ai pas souvenir d’avoir pris la plume, mais j’ai toujours en ma possession les lettres de Misela, jumelles de celles que je lui ai envoyées.
Je garde toutes les lettres et cartes postales. Je les glisse dans des pochettes en papier kraft, pas toujours de manière chronologique. Je range ensuite les pochettes dans une grande boîte à chaussures. Les cartes postales ont voyagé depuis les 5 continents. Les timbres se répètent souvent, Argentine ou États-Unis, France ou Espagne. Les adresses disent mes pérégrinations sur la carte du monde, elles dévoilent où j’étais et quand.
C’est peut-être générationnel. Quelques années plus tard et je n’aurais jamais reçu ou écrit autant de lettres et de cartes postales. Quelques années plus tard et tout aurait été emails et SMS et messageries instantanées. Quelques années plus tard et ma boîte n’aurait contenu que des faire-part et les lettres que ma grand-mère paternelle m’envoyait pour mon anniversaire.
Je ne suis pas la seule à conserver toutes ces missives. « Je garde tout le courrier que je reçois » me confirme une amie du lycée, Ana. Je viens de lui envoyer la photo d’une carte postale qu’elle m’a adressée il y a presque vingt ans. « J’ai lu seulement 3 livres pendant mes vacances » confiait-elle au dos d’un paysage de la côte méditerranéenne espagnole « Je suis en mode paresseuse cet été ». Nous rions ensemble de sa lettre car elle m’a aidé dans la traduction de mon livre Lettres de Barcelone. Elle a été une relectrice bienveillante et un perspicace détecteur anti-fragnol, bien loin de cette image de lectrice estivale désintéressée.
La boîte ouverte devant moi révèle un monde qui se dérobe. Les distances traversées. Les Air Mail tracés en filigrane. Les timbres multicolores. Je pourrais m’attarder sur les enveloppes et les cartes qui me rappellent des amitiés évanouies, des relations disparues. Mais c’est le contraire. Je ne vois que la fidélité, les décennies qui défilent et la constance. Je songe aux amitiés comme celle qui nous unit depuis plus de vingt ans, Ana et moi. Je lis les cartes postales envoyées par mes parents, ma sœur, mes amis, ma famille. Je retrouve des faire-part ou des cartes de vœux, les photos glissées qui démontrent le passage du temps. Les lettres et les cartes que je range à nouveau dans la boîte ne sont pas du papier. Elles sont comme des charmes ou des sortilèges, la preuve discrète et constante de liens intangibles.
Les années passent. J’écris des lettres et j’aime toujours autant en recevoir. Comme lorsque Misela et moi échangions des lettres entre Paris et Buenos Aires.
Image par ninita_7 de Pixabay
Je pense aussi que c’est générationnel ! En tous cas je conserve toutes mes cartes postales dans une jolie boite et dès que je voyage j’en récupère une pour moi et j’en envoies à chaque fois. 🙂
Une chouette habitude… en garder & en envoyer! et bravo pour la belle boîte qui les met sûrement plus en valeur que ma boîte à chaussures ^^