Un trajet en bus

Je prends souvent le bus pour rentrer depuis la rive gauche. Boulevard Saint-Germain, traversée de la Seine par la pointe est de l’île Saint-Louis, place de la Bastille, rue du Faubourg Saint-Antoine.

Lundi de la semaine dernière, dans un bus quasi vide, j’ai admiré l’élégance des boulevards, la silhouette de l’ange doré qui contemple la place de la Bastille, les contreforts de Notre-Dame et les flots de la Seine. Comme il n’y avait des bouchons que sur les ponts, j’ai mis moins de temps que pour rentrer en métro.

Le lendemain, j’ai embarqué pour une autre aventure. Alors que nous nous approchions de l’Institut du monde arabe, le chauffeur a proclamé depuis son bocal de verre, masque chirurgical sur le menton, qu’il s’arrêterait devant l’Institut, et qu’ensuite il se dirigerait directement vers la gare de Lyon puis la place de la Nation. Il n’a donné aucune explication pour ce changement d’itinéraire. Quelques passagers sont descendus immédiatement, dont une jeune femme en fauteuil roulant. D’autres ont posé des questions. S’arrêterait-il près de l’hôpital Saint-Antoine ? Au croisement avec l rue Crozatier ? Au fond du bus, certains passagers ne semblaient pas entendre les annonces. Je suis restée à bord. La gare de Lyon étant à 20 minutes à pied de chez moi, la place de la Nation encore plus proche, je trouverais la manière de rentrer malgré les stops modifiés.

Le trajet alternatif a commencé. Nous avons continué rive gauche, nous sommes passés devant le Jardin des plantes où je ne suis pas allée depuis fin août, devant la gare d’Austerlitz, sur le quai près de la Cité de la mode, puis nous avons traversé la Seine pour atteindre la gare de Lyon. Deux femmes avec des valises qui paraissaient être des touristes continuaient leurs conversations. Elles ne se sont pas retournées pour voir Notre-Dame et les ponts, leur préférant une vue du ministère de l’économie et des finances et des quatre tours de la Bibliothèque Nationale de France. Quelques voyageurs sont descendus devant la gare de Lyon et j’ai repéré la tour gigantesque d’un hôtel qui doit avoir des vues splendides sur la Tour Eiffel et toute la capitale.

J’ai décidé de continuer un peu. Je mettrais plus de temps que la veille, je marcherais avec mes bottines et l’ordinateur en bandoulière sur une distance plus grande. La toux d’une passagère me stressait. Portait-elle correctement son masque ? Les fenêtres ouvertes du bus laissaient-elles passer assez d’air ? Et soudain, boulevard Diderot, quelque part entre la gare de Lyon et la place de la Nation, une idée a surgi dans mon esprit. Ce trajet était une aventure, ce trajet était une métaphore. Nous pensons savoir où nous voulons aller. Nous pensons savoir où nous devons aller. Mais la vie en décide autrement avec ses détours et ses découvertes, ses chemins alternatifs, ses passagers qui partent et qui arrivent. Rien ne se passe exactement comme prévu.

Je suis descendue du bus à proximité de l’hôpital Saint-Antoine et j’ai marché jusqu’à mon appartement.

Image : pxHere

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