Il y a presque 20 ans, une amie canadienne et moi imaginions le jour où nous aurions des écrans géants, connectés à Internet, et où nous pourrions prendre un thé ou un café ensemble, l’une à Vancouver et l’autre à Paris. Nous n’étions pas au milieu d’un film de science-fiction, nous projetions ce que nous permettraient les progrès des messageries instantanées, de Skype et des webcams dont nous disposions déjà.
Parmi les résolutions que j’ai prises au moment où la pandémie arrivait en France, j’avais inscrit « garder le contact ». J’avais lu les articles de journaux qui affirmaient que se sentir seul est aussi nocif que de fumer et je me méfiais de la solitude.
J’ai assisté à des concerts à distance, suivi des cours de chant via YouTube Live, participé à des anniversaires immanquables, diffusé les messages et vidéos humoristiques que je recevais sur WhatsApp. Et j’ai retrouvé beaucoup d’amis à travers ces plateformes. Pendant un temps, la nouveauté et l’envie de se voir ont dépassé les inconvénients. Puis les Skypéros et autres soirées sur Zoom se sont arrêtés.
Même en écartant les difficultés techniques, les mauvaises connexions et les outils technologiques parfois défaillants, le format reproduit mal une rencontre « en vrai » (IRL, in real life, abrègent parfois les Anglo-Saxons). Mes amis apparaissent de face, chacun dans une petite boîte. Je me vois aussi à l’écran et cette image n’est même pas celle inversée mais familière du miroir. Il est difficile d’interpréter les gestes et expressions, de tenir compte du non verbal qui fait, selon les experts, la majorité de la communication. Ce non verbal tellement instinctif qu’il nourrit impressions et intuition. Il faut se passer la parole comme on se passerait le témoin dans une course de relai. Impossible de s’interrompre avec une blague ou une exclamation. Impossible de tenir un aparté même d’un instant.
Les visioconférences sont adaptées à certains contextes. J’ai particulièrement apprécié le confort sonore de petites salles virtuelles sur Zoom au lieu du brouhaha d’une salle de congrès. J’ai essayé l’application sonore High Fidelity avec ses espaces 2D. Des amies m’ont vanté le fait de pouvoir suivre des formations depuis leur domicile ou leur lieu de travail sans déplacement additionnel vers un lieu d’enseignement. Je pense que la technologie et notre maîtrise de celle-ci continueront à évoluer.
Depuis plusieurs semaines, je propose des cafés (ou thés) virtuels le matin à mes amis et à mes anciens collègues. Pour ceux qui télétravaillent, ce café virtuel est l’équivalent de la petite pause qu’ils prendraient avec leurs collègues autour de la machine à café en discutant de la soirée de la veille, de la journée à venir, de la dernière série Netflix. J’utilise l’option de visioconférence de Gmail, facile et sans fioritures. Je perçois un peu de non verbal, je ressens moins l’effet d’un « passage de relai ». Nos conversations en tête à tête ressemblent à des échanges in real life, comme si mon interlocuteur était assis devant moi. Nous bloquons nos agendas sur neuf heures le plus souvent et passons une vingtaine de minutes à discuter à bâtons rompus. Et, pour ne pas rompre la chaîne, j’essaye d’envoyer l’invitation pour le café suivant tout de suite.
Je déjoue le décalage horaire et la géographie. Je dis bonjour, hola et hello. Ces journées-là commencent (ou finissent) avec des boissons chaudes et des sourires, avec le plaisir de maintenir et raviver des relations avec des personnes que j’apprécie. Un café et ça repart.
Image par Engin Akyurt de Pixabay
Wow! Je ne savais pas que la solitude était aussi nocive que la cigarette. Heureusement que nous avons ces technologies pour socialiser.