Estiver

Les vacances d’été ne concernent pas tout le monde. En 2020, environ 60% des Français sont partis en vacances, le même chiffre qu’en 1985, et en net recul par rapport à 2019, année record avec 70% de vacanciers. Le manque de moyens financiers et les problèmes de santé sont les principaux obstacles. La combinaison avion et hôtel de mon été me place dans une minorité puisque la majorité des estivants rejoignent en voiture leur lieu de villégiature et bénéficient d’un hébergement gratuit (famille, amis, et, pour les plus chanceux, leur propre résidence secondaire).

Mais je n’ai pas commencé par les chiffres. J’ai commencé par les mots et une série de dictionnaires.

La langue française contient les savoureux juilletiste et aoûtien, pour designer une personne selon le mois où elle part en vacances, deux mots récents puisqu’entrés dans le dictionnaire en 1990 et 1973 respectivement (dans le Petit Larousse) et qui n’ont pas (encore ?) été rejoints par les fantastiques possibles junien et septembriste.

En espagnol, il y a un verbe pour dire « passer l’été », veranear. Il évoque le pueblo des origines, la Costa del sol ou les îles Baléares. Son homologue existe en anglais, le très efficace summer, qui est à la fois un nom, un verbe et un prénom féminin. Il suggère la Cornouaille ou le Devon, les Hamptons ou Cape Cod. Et, plus que juilletiste, aoûtien ou veranear, il semble avoir une connotation négative dans la population générale, car il est utilisé dans un anglais soutenu… celui parlé par les mêmes élites qui peuvent passer l’été dans une résidence secondaire avec vues sur l’Atlantique.

L’usage de ces deux verbes, veranear en espagnol et summer en anglais,  est ancien. Mais en français, nous utilisons une périphrase, « passe l’été » pour conjurer d’autres lieux, la Normandie ou la Côte d’Azur, les Landes ou la Corse. Et pourtant, le verbe estiver existe dans le dictionnaire, à proximité d’estivant ou estival. Il signifie envoyer les animaux sur des pâturages de montagne pendant l’été. Ce qui correspond au sens premier de l’anglais to summer. Mais là où l’anglais a glissé des animaux aux êtres humains, ce transfert n’a pas eu lieu en français. Des troupeaux de voitures prennent l’autoroute du soleil vers le sud. Néanmoins, nous rêvons de passer l’été à la plage (ou à la montagne ou à la campagne).

Et pourtant ? Estiver sonne bien. Comme estimer, escalader, espacer, escamoter, esquiver, esquisser, estomper… et espérer.

Image par Free-Photos de Pixabay

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