Je ne fais pas de paris. Je ne crois pas aux prédictions. Mais mercredi dernier, une prémonition m’a parcouru devant le match qui opposait le Real Madrid -mon club depuis plus de 25 ans- à Manchester City en demi-finales de la ligue des champions.
Quand un défenseur madrilène a repoussé un tir de Manchester City, arrêtant le ballon sur la ligne du but, j’ai frissonné. Les joueurs disputaient la 86ème ou la 87ème minute du match retour de la demi-finale. Manchester City gagnait 1 – 0 et, après le 4 – 3 du match aller, le Real devait marquer deux buts pour forcer les prolongations. Dans mon salon parisien à 1.300 kilomètres du stade Santiago Bernabeu, j’ai frissonné et une phrase m’a traversé l’esprit « ce moment pourrait être le tournant du match. »
En mars, quand Kylian Mbappé marquait son deuxième but des huitièmes de finales pour le PSG, j’écrivais un SMS fataliste à une amie supportrice du club parisien « Je pense que c’est joué. Rendez-vous l’année prochaine ». Je le complétais d’un illusoire « Vous nous prêteriez Sergio Ramos jusqu’à la fin du match ? ». Je citais l’ancien capitaine du Real, l’auteur du but à la 93e minute face à l’Atlético Madrid en 2014 lors de la finale de Lisbonne, ce but qui valait une ligue des champions. Il restait une demi-heure à jouer au stade Santiago Bernabeu, mais le PSG dominait, mais le PSG menait au score, mais ce match retour serait une autre défaite pour mon équipe. J’éteignais ma télévision. Après un message de ma sœur me signalant que ses voisins célébraient un but, je rallumerais ma télévision, à temps pour voir Karim Benzema marquer le deuxième de ses trois buts du match, ces trois buts qui qualifieraient le Real.
En avril, en quarts de finale, toujours contre le sens du jeu, le Real marquait à la 81e minute pour jouer les prolongations contre le club londonien Chelsea, alors qu’ils perdaient le match retour, toujours à Madrid, par 3 buts à 0.
Contre Manchester City, mon intuition était la bonne. Juste après le miracle défensif, l’attaquant brésilien Rodrygo marquait deux buts coup sur coup, à la 90e et à la 91e minutes. Un but de penalty de Karim Benzema donnait ensuite la victoire et la qualification au Real pendant les prolongations. Dans le stade, le public chantait « Sí, sí, sí, nos vamos a París », « Oui, oui, oui, nous allons à Paris [la finale aura lieu le 28 mai au Stade de France] ». Je souriais devant mon écran, l’écharpe violette et blanche de mon club sur les épaules.
Les six matchs du Real en huitièmes, quarts et demi-finales ont été disséqués, surtout les trois matchs retour joués à Madrid. Journalistes, anciens joueurs, entraîneurs, commentateurs de tout ordre ont partagé leurs analyses sans fin, mêlant le rationnel et l’irrationnel. Comment expliquer trois qualifications successives avec des obstacles à chaque fois plus grands ? Marquer deux buts en 30 minutes, marquer un but en dix minutes, marquer deux buts en six minutes ? Comment comprendre des retournements de jeu aussi brusques ? Beaucoup ont invoqué la chance, la magie du stade madrilène. Le journal L’Équipe a joué d’humour avec un « SurRÉAListes ». Le quotidien sportif espagnol Marca a titré « Que Dieu descende et nous l’explique ». D’autres ont mis en avant le talent individuel des joueurs, la préparation mentale, la force du collectif, l’énergie du chaos contre le contrôle tactique.
Une semaine après, deux idées restent.
J’aurais dû parier sur le résultat de cette demi-finale retour après cette intuition fugace, ce frisson de la remontada.
Le véritable tour de magie, c’est ma capacité à oublier la violence et la destruction de notre monde devant un match de football.
Image de StockSnap de Pixabay
Bonjour Caroline vous aimez le Football moi aussi surtout le réal Madrid merci pour ces textes que j’adore lire à mon temps libre
Merci Yannis ! Et Hala Madrid, bien sûr 😉