Fille de la Révolution

J’habite à proximité de la place de la Bastille. Quand le monde s’est rétréci et que j’ai commencé à pratiquer le tourisme de proximité, les panneaux Histoire de Paris et les plaques aux frontons des immeubles sont devenus mes guides dans le passé révolutionnaire de mon quartier. Grâce à eux, j’ai découvert la Folie-Titon, manufacture où se déroula en avril 1789 une émeute préfigurant la Révolution, ou le Pavillon Colbert, vieille bâtisse où un faux médecin internait des nobles sous prétexte de maladie mentale pour leur éviter la guillotine. Mais mon exploration s’est accélérée il y a un an quand j’ai franchis pour la première fois les portes d’un cimetière caché derrière la place de la Nation, le cimetière de Picpus. Derrière ses murs, j’ai découvert un jardin, des tombes de la grande noblesse française -dont le marquis de Lafayette- et une fosse commune où reposent les corps des derniers guillotinés de la Terreur en juillet 1794. Il était temps de me plonger dans l’histoire de la Révolution française.

Je me suis rendue à deux reprises au musée Carnavalet, l’ancien hôtel particulier consacré à l’histoire de la ville de Paris et à l’histoire de la Révolution. J’ai contemplé avec fascination la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, des boutons de manchette taillés dans des pierres de la Bastille ou des boucles d’oreille en forme de guillotine. Je suis retournée au château de Versailles, accomplissant en quelques minutes la longue marche des femmes de Paris en octobre 1789. Les grilles dorées à l’entrée du château ont été réinstallées récemment : elles avaient été détruites lors de la Révolution.

Puis j’ai commencé à regarder Paris comme l’un des théâtres principaux de la Révolution et tout est devenu prétexte à la découverte. Au jardin des Tuileries, j’ouvre Wikipédia pour consulter un plan de l’ancien palais des Tuileries (brûlé pendant la Commune de Paris en 1871) et du manège où se réunissait l’Assemblée nationale et où naîtraient les désignations de droite et de gauche en politique.  Sur les quais de Seine, je croise une statue de Thomas Jefferson, l’un des rédacteurs de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (inspirée par celle qu’il avait écrit pour les jeunes États-Unis d’Amérique). Et place de l’Odéon, la statue de Danton marque l’ancienne résidence de l’avocat au cœur du quartier des Cordeliers. Des pierres de l’ancienne forteresse de la Bastille se dissimulent sur les quais de la ligne 5 du métro à la station Bastille et dans un petit parc situé boulevard Henri IV. Je télécharge l’application Parcours Révolution, développée par la ville de Paris, qui identifie plus de 120 monuments, lieux ou figures historiques de la Révolution dans la capitale.

Je retrouve dans mes étagères un livre sur la Terreur écrit par un écrivain britannique et la brillante biographie de Thomas-Alexandre Dumas, père de l’écrivain Alexandre Dumas, né esclave à Haïti, témoin de la Révolution et général d’Empire. Je lis une première biographie du marquis de Lafayette. J’en achète une deuxième. J’écoute les 55 épisodes d’un podcast américain qui couvre toute la période, des prémisses de la Révolution en 1786 jusqu’au coup d’État du 18 brumaire où Napoléon Bonaparte prend le pouvoir.

Je regarde ma ville natale avec des yeux anciens. Je regarde ma ville natale avec des yeux nouveaux.

Au musée du Louvre et dans d’autres lieux, le RF de la République française a remplacé la fleur de lys royale sur les blasons. J’ai longtemps pensé que la République jacobine était l’héritière de la monarchie absolue. Après un an de (re)découvertes, je mesure maintenant à quel point la République est fille de la Révolution. Cet État centralisateur, organisé, cartésien, bâti sur le système métrique et le Code civil, est né après 1789. Il n’existait pas avant.

Il n’y a rien de mieux que de changer d’avis pour de bonnes raisons.


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